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Et après?

Dernière mise à jour : 12 nov. 2022

Cinq ans. Une étape charnière apparemment. Certaines personnes la célèbrent, un peu comme une garantie de retour à la santé. Moi? Meh… vous connaissez mes tendances de mouton noir.


Pas par défi ou pour être différente absolument, mais juste parce que ça ne me ressemble pas tant. J'ai même pas marqué les dix ans de ma relation amoureuse alors les cinq ans de rémission sont passés dans le beurre aussi. Vous me direz que l'existence même de ce texte contredit la phrase précédente, mais en fait, cette introduction effleure le sujet de la rémission simplement pour amener un autre sujet. Un sujet dont on parle rarement : le post-cancer. Le retour au travail, à la vie quotidienne, au #NewNormal.


Après presque deux ans d'arrêt de travail, de traitements quelque peu barbares (mais pas mal moins que ce que d'autres ont subi) et de réflexion existentielle, bam! Retour sur la chaise de bureau qui roule entre les conversations terre à terre et les mémérages habituels du travail de bureau. Les photos de vacances d'une telle, le petit-fils d'une autre, les directives souvent incompréhensibles des hautes sphères administratives, les chicanes syndicales, une pandémie. Normal quoi.

 

Ce bruit de fond a accompagné mon retour au travail durant lequel je me suis vite rendu compte que mon cerveau, ben… il ne marchait plus du tout comme avant! La chimiothérapie, OK, pour certaines personnes, ça sauve des vies (on en reparlera une autre fois de ce que ça a sauvé ou pas dans mon cas), mais ça fuckaille le cortex frontal pour d'autres. Dont moi. Alors, bye bye Miss Reb qui apprend plus vite que son ombre. Bye bye Miss Reb qui comprend un logiciel en deux, trois clics. Bye bye Miss Reb qui est tellement capable de se concentrer qu'il faut l'appeler par son prénom au moins trois fois avant qu'elle décroche de son livre ou du travail qu'elle est en train de faire.


Écouteurs sur les oreilles ou pas, je n'arrivais juste plus à rester assise devant mon ordi à taper plus vite que mon ombre durant presque sept heures. Pu. Ca. Pa. Ble.



Ça ne fonctionnait juste plus comme avant. Les nouvelles informations me rendaient anxieuse, je paniquais à devoir apprendre de nouvelles tâches. Avec une peur de tout oublier tout le temps, j'étais rendue Miss Post-it au ventre constamment noué à l'idée que j'étais brisée. Irrémédiablement.


Faque je me suis agrippée par la peau des dents (lire obstinée) parce que c'était pas vrai que j'allais me faire dérailler comme ça. Moi qui venais tout juste de réorienter ma carrière avant le diagnostic de marde, j'allais certainement pas jeter tout ça à la poubelle. Veux veux pas, j'ai continué à aller travailler au bureau malgré l'impatience grandissante dans mes jambes.


Faut savoir qu'à ce moment-là, je poursuivais également un traitement au nom très confusant d'hormonothérapie. On devrait plutôt nommer ce traitement d'anti-hormonothérapie puisque c'est ce qu'il fait. Il empêche le corps d'utiliser ses hormones féminines, ce qui devait réduire mes chances de récidive puisque dans mon cas, j'avais eu un cancer dit hormonodépendant. Sauf que les hormones féminines, elles ne sont pas juste bonnes à faire des bébés ou à nous faire saigner mensuellement. Nope. Elles font plein d'affaires ces hormones-là. Entre autres, elles jouent un rôle dans le fonctionnement normal du cerveau. Coupe ça et tu te retrouves à entretenir le fameux brainfog qui vient aussi avec la chimiothérapie (ou la ménopause for that matter, mais en pas mal plus drastique et soudain).


Alors non seulement j'avais le cerveau en compote à cause de la chimio, mais en plus, mon manque d'hormones induit par la médication en rajoutait une couche. Pendant la première année d'anti-hormonothérapie, j'ai essayé l'injection de Zoladex, une substance qui désactive ni plus ni moins les ovaires. L'idée est de permettre aux femmes non ménopausées d'avoir ainsi accès à certains médicaments anti-cancer qui ne fonctionnent que chez les femmes ménopausées. OK, sure. En surface, ça semble une idée pas pire. Sauf que le Zoladex, c'est une autre affaire qui fuck, entre autres choses, le cerveau. Tellement que pendant les huit mois durant lesquels j'ai reçu ces injections mensuellement, j'ai eu par deux fois des idées suicidaires. Pas parce que j'étais déprimée. Non, c'était une impulsion physique. J'avais jamais vécu un truc pareil. Oui, j'avais eu peur pour ma vie en recevant un diagnostic de cancer. Oui, j'ai déjà vécu un épisode dépressif après le décès de ma mère. Mais ça, là, ça, c'était différent. Ça m'a fait peur. Assez que j'ai arrêté ces injections. Après discussion avec mon oncologue, on a décidé d'essayer le Tamoxifen seul, bien que je ne resterais pas ménopausée puisque je ne prendrais plus le Zoladex. C'est durant cette visite que j'ai appris qu'environ 20 % des personnes qui prennent le Zoladex ont des effets secondaires psychologiques graves.


« Allo. Ça aurait été le fun de le savoir avant. Merci. »


Après encore plusieurs mois d'antihormonothérapie, sous la forme du Tamoxifène seul, je rushais toujours au travail. J'avais de la misère avec mon couple. J'avais de la misère à comprendre le monde autour de moi. J'étais perdue. Je sortais de ce grand enchaînement de « tu vas pas mourir, c'est juste une petite opération » à « faut absolument que tu fasses de la chimio, sinon tu vas mourir » puis à « voici, tu es guérie, retour à la vie normale avec un bonus : 5 à 10 ans d'hormonothérapie, c'est la clé pour prévenir les récidives. Ciao bye! Si tu as des effets secondaires trop intenses, on peut te mettre sur les antidépresseurs. »


Yeah right. La clé à tous les bobos hystériques des femmes, hein? Tiens, voici des pilules bleues. Tiens-toi tranquille, OK? De quoi tu te plains de toute façon? Tu es en vie, non?



À un moment donné, j'ai demandé à être évaluée par une spécialiste des TCC et autres troubles de ce genre, son avis fut qu'advenant une récidive, il faudrait vraiment éviter la chimiothérapie si je voulais continuer à être fonctionnelle de la tête.


Oui, j'étais en vie, mais ça n'allait pas du tout! Et comme je ne suis pas du genre à juste endurer ou à me plaindre dans mon coin, bien je me suis mise à me renseigner. J'ai lu ce livre et plein d'autres dont je ne me souviens plus. J'ai consulté des psychologues, j'ai exploré les bibittes qui habitaient mon esprit. J'ai parlé, parlé, parlé et parlé : avec mon chum, avec mon cahier, avec ma mère dans ma tête.


Puis, à force de marcher dans mon bois, j'ai fini par me rappeler que j'étais venue vivre ici justement pour être dans le bois. Pas pour passer mon temps à travailler en ville devant un écran d'ordi. Faque j'ai commencé à me mettre en action. J'ai pris des contrats à l'extérieur du travail. J'ai essayé de pousser le télétravail auprès de mon employeur du moment. J'ai vu assez rapidement que ça n'irait pas assez vite pour moi, alors j'ai exploré d'autres possibilités et j'ai changé d'employeur. Pendant un an, j'ai travaillé de la maison pour celui-ci et j'ai accepté de plus en plus de contrats. Vous me direz, « et pis ton cerveau alors, me semblait qu'il marchait plus? » Alors, oui, mon cerveau, il commençait à surchauffer, mais il allait de mieux en mieux en même temps. Ben oui, juste avant de changer d'employeur, j'avais décidé d'un commun accord avec mon moi-même d'arrêter l'anti-hormonothérapie.


Et puis lors d'une visite de suivi avec mon onco, je lui ai demandé de calculer mes chances de récidive tenant compte de tout ce que j'avais fait comme traitements à ce jour et en arrêtant l'anti-hormonothérapie et, boy! Je pouvais donc bien vivre avec ces pourcentages-là, moi là! Bye-bye les anti-hormones!


J'ai plutôt continué mes démarches en naturopathie et autres médecines « alternatives », puis le yoga, puis la marche, puis… puis j'ai découvert que j'allais bien en fait. Sauf qu'il fallait que je fasse un choix. Même si mon humeur et ma vie personnelle s'étaient enfin accordées, restait que mon cerveau continuait à avoir des ratés et les contrats continuaient à rentrer. Je devais donc faire un choix. Après presque deux ans de retour au travail, d'obstination avec moi-même à m'entêter dans un emploi pour lequel, de façon évidente, je n'étais plus faite, j'ai remis ma démission. Je suis maintenant à mon compte et ça a changé mon expérience de la vie. Totalement.


Oui, j'ai des échéances. Oui, il y a des attentes par rapport à mon travail (qualité, rapidité, etc.) Mais j'ai un contrôle presque total sur mon horaire. Je contrôle également mon mode de tarification et ça, ça change tout. Je n'ai pratiquement plus jamais la pression à compter chaque minute de mon temps. Je peux enfin travailler à mon rythme, par petits boosts et prendre des moments pour faire autre chose totalement, en plein milieu de la journée si je le veux. Je travaille debout, assise, dehors, dans la maison, ailleurs, alouette! Mes clients me respectent et apprécient mon travail. Pas d'histoire de rentrer dans un moule qui ne fit juste pas avec ma forme d'être.

 

Si je pouvais transmettre juste une chose à toi qui t'apprêtes à effectuer un retour à la vie « normale » après le cancer, c'est d'être patient et d'avoir de la compassion envers toi-même. Attends-toi à rien. Pas dans le sens de ne plus avoir de but dans la vie, mais dans le sens d'arrêter de te créer des buts irréalistes. Tu n'es plus la personne que tu étais avant. Pis c'est pas grave. C'est même ben correct. Parce que tu as appris et tu as grandi à travers toute la merde que tu as vécue.


Tsé, sois patient. Tu es en retour progressif et tu as fait tes deux demi-journées? Bravo! Tu as fait ça! Oui, avant, tu faisais 40+ heures par semaine. Oui, avant, tu jonglais dix mille tâches en même temps. Oui, avant. Mais là, tu es maintenant. Et maintenant, deux demi-journées, c'est fucking huge! Et réalise que le reste de ta semaine durant laquelle tu ne travailles pas, t'es pas en train de rien faire. T'es en train de trouver tes nouvelles balises. De découvrir qui tu es maintenant.


Parce c'est toute une ride que tu viens de prendre et elle n'est pas encore fini. Parce que, oui, tu es encore en vie et ça veut dire qu'il y a encore plein de montagnes russes à venir. Pis, il y a juste toi qui peux décider si ces montagnes russes là, elles sont rien que là pour te faire chier ou bien si tu peux t'en servir pour apprendre encore des tas de trucs sur toi et sur la vie.


Ah, pis une autre affaire : c'est pas parce que, moi, j'ai vécu ça de même que c'est ça qui va t'arriver. Y'a rien qu'une personne qui vit ta vie, pis c'est toi.





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