Catastrophe annoncée...
- wrebek
- 3 mai 2020
- 5 min de lecture
I Am the People, the Mob
I am the people—the mob—the crowd—the mass.
Do you know that all the great work of the world is done through me?
I am the workingman, the inventor, the maker of the world’s food and clothes.
I am the audience that witnesses history. The Napoleons come from me and the Lincolns. They die. And then I send forth more Napoleons and Lincolns.
I am the seed ground. I am a prairie that will stand for much plowing. Terrible storms pass over me. I forget. The best of me is sucked out and wasted. I forget. Everything but Death comes to me and makes me work and give up what I have. And I forget.
Sometimes I growl, shake myself and spatter a few red drops for history to remember. Then—I forget.
When I, the People, learn to remember, when I, the People, use the lessons of yesterday and no longer forget who robbed me last year, who played me for a fool—then there will be no speaker in all the world say the name: “The People,” with any fleck of a sneer in his voice or any far-off smile of derision.
The mob—the crowd—the mass—will arrive then.
La façon dont un peuple utilise le langage en dit beaucoup sur la «personnalité» de ce peuple. Les québécois, nous, on aime beaucoup le on. Et on a une façon bien flexible de l’utiliser: des fois, c’est le on chaleureux, synonyme de nous: «On va-tu prendre un verre à soir?», «On fait quoi comme cadeaux aux p’tits à Noël?» ou encore «On va-tu dans l’Sud?»
Mais il y a aussi le on qui exclut la personne qui parle, tsé, la règle de grammaire? Celle qui nous permet de dire des affaires comme : «Comment on a pu faire ça?» et «On me l’avait pas dit!»
Ce on est, de fait, encore plus réconfortant que le «on-nous». Parce que justement, ce on, c’est pas nous. Et c’est surtout pas «moi».
Ce on, c’est le gouvernement, les boss, les riches, les autres, bref, tout le monde sauf moi. Sauf toi.
Toi qui t’insurges devant la situation insoutenable des CHSLD. Toi qui dis : «Comment on a pu oublier les vieux?» Comme si les vieux, c’était une sous-espèce d’êtres humains, comme «les jeunes» d’ailleurs, dont tu venais seulement de prendre conscience. Car, c’est bien connu, un vieux, ça apparaît à un moment donné, full equip avec une couche sale, des ongles craqués pis du poil d’in-zoreilles. Pis comme on sait pas trop quoi faire avec, ben on les parque dans des bâtisses au chauffage déficient, à l’aération douteuse et aux corridors gainés de rampes.
On a fait ça. Surtout pas nous. Parce que si c’est nous, si on admet que c’est nous, alors les «vieux» deviennent Papa, Maman, Grand-Maman, Mononcle.
Non. C’est mieux de donner notre argent en taxes et en impôts pour qu’on s’arrange avec les vieux. Parce que le on peut porter le blâme, mais le nous... La réalité vient nous frapper de fouet si ce nous accepte le blâme.
Pourtant, ne venez pas me dire que nous ne savions pas que les CHSLD seraient le point chaud du COVID. Ne venez pas me dire qu’il n’y avait aucune façon de prévoir ce qui se passe en ce moment, «qu’on ne pouvait pas savoir», «qu’on nous l’avait pas dit». Pourtant, pour qu’un tel recours collectif soit entendu et accepté, il faut quand même avouer que ça n’allait déjà pas bien, non?
Ne venez pas non plus me dire que ces volontaires professionnels et professionnelles, ces bénévoles ne savent pas de quoi ils et elles parlent. Que ce ne sont que des gérants d’estrade, des «j’aurais pas fait ça de même moi». Des «moi, mes médicaments sont à jour, moi».
Parce que depuis le début, on sait que la population pour laquelle ce virus est le plus souvent mortel, c’est cette population même qui, au Québec, se retrouve concentrée (oui, concentrée, comme dans «camp de») dans nos super CHSLD. Ces endroits où la mémoire, l’expérience, le vécu prennent le bord et où l’on devient «un vieux», «une vieille».
Ah! Vous trouvez que c’est raide pour votre dimanche après-midi au soleil un texte comme ça? C'est vrai que c'est moins plaisant qu'un arc-en-ciel et un «Ça va bien aller». Comptez-vous chanceux d’encore savoir quel jour de la semaine on est. Parce que ces «vieux» eux, pour la plupart, ne le savent plus. La douleur est un long fleuve pas tranquille pantoute.
OK, c’est vrai qu’il y a de belles histoires, de beaux témoignages, de magnifiques initiatives. C'est vrai que rien n'est noir ou blanc. OK. Mais si vous suivez un peu, vous savez que les PABs, les infirmières et les infirmiers n’ont jamais eu assez de temps pour effectuer leurs soins comme ils et elles souhaiteraient le faire. Comme leur métier demande d'être en fait, ce pour quoi ils ont la vocation, et qu’ils n’ont juste pas la possibilité d’exercer tel qu'il se doit. Renseignez-vous, les activités de loisirs et même souvent des soins de base comme l'alimentation sont offerts par des bénévoles et des contractuels. C’est-à-dire que, tout comme en oncologie d’ailleurs, ce qui relève des soins dits «psychosociaux» est très souvent légué aux organismes communautaires ou bien en sous-traitance. Arrangez-vous qu'on disait. Comment alors s'assurer d'une offre de services stable? Mais je diverge, je diverge.
Alors, continuons d’être en amour avec notre gouvernement. Parce qu’il nous rassure. Parce qu’il paie nos factures en temps de pandémie. Parce qu’il nous éblouit de par son humanité. Continuons de croire que ce cher gouvernement sait ce qu’il fait alors que la population la plus à risque, « nos vieux », était laissée pour compte.
Continuons de croire qu’on pense à nous.
Continuons de laisser nos «vieux» entre les mains gouvernementales. Continuons de laisser notre mémoire s’effacer. De penser que le beau modèle québécois devrait être exporté alors que nous sommes pourtant très loin de «[voir] le vieux comme un être appartenant au groupe en état de passage, de vie à trépas (trépasser, c’est «passer» «au-delà», c’est-à-dire «survivre» mais sous une autre forme et dans un autre état). Ce processus de transformation, fait passer le vieux du monde visible au monde invisible, permettant au vieux d’acquérir un autre statut, celui d’ancêtre[1].»
Mais bon, tout ça n'est que mon opinion. Je vais donc retourner à mes oignons et à continuer de surveiller mon épée de Damoclès, tsé celle tenue par mon nouveau partner de vie, ce charmant et bien connu M. Cancer du sein. Parce que si c'est pas ça qui m'emporte, ce sera autre chose. Et que si j'ai de bien beaux espoirs, même mourir de vieillesse ne risque pas d'être poétique.
[1] https://www.cairn.info/revue-etudes-sur-la-mort-2004-2-page-27.htm
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